Les faits : Depuis la fin des années 80, la société S. et la société C.(société de courtage en assurance), ont entretenu une relation commerciale. Les deux sociétés avaient conclu un mandat tacite de courtage en assurance (plusieurs contrats d’assurance ayant été souscrits par l’intermédiaire de la société C. auprès de la compagnie G.) et un contrat de gestion des polices d’assurance.
Le 14 décembre 2017, la société C. a informé la société S. de sa décision de confier la gestion des contrats à la société I. à compter du 2 janvier 2018.
Le 22 juin 2018, la société S. a informé la compagnie G. de sa décision de mandater une nouvelle société de courtage afin de procéder à l’étude et à la conception d’un contrat d’assurances, précisant que « le présent mandat d’étude et de placement annule tout autre mandat qui aurait pu être donné antérieurement ».
Par lettre du 26 septembre 2018, la compagnie G. a informé la société C. que « conformément aux usages de la profession », l’un de ses confrères avait été mandaté, à effet immédiat et à titre exclusif, pour l’étude des contrats en cause.
Par lettre du 23 octobre 2018, la société S. a informé la compagnie G. de la résiliation à l’expiration de la période en cours, soit au 31 décembre 2018, de ses contrats d’assurance.
Les décisions : Le 7 mars 2019, la société C. a assigné la société S. en réparation de ses préjudices pour rupture brutale de la relation commerciale établie.
(i) Par jugement du 9 septembre 2020, le Tribunal de commerce de Paris a notamment condamné la société S. à payer à la société C. au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, au versement d’une somme totale de 20.166,00 euros à titre de dommages-intérêts et a condamné la société C. à payer à la société S. la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture sans préavis de l’activité de gestion des sinistres.
(ii) La société C. a interjeté appel de ce jugement.
S’agissant de la rupture de la seule mission de courtage, la Cour d’appel de Paris relève que l’article L.113-12 du Code des assurances prévoit une faculté de résiliation ou dénonciation annuelle deux mois avant l’échéance du contrat d’assurance, ouverte à l’assureur comme à l’assuré, et que les usages professionnels dits « du courtage d’assurances terrestre » visent à organiser le devoir d’information du courtier apporteur de tout événement affectant le cours de l’assurance et susceptible de menacer ses droits, notamment de rémunération.
Or en l’espèce, selon la Cour d’appel la société S. ainsi que la compagnie G. ont respecté ces usages, dès lors que :
– la compagnie G. qui a été informée de la résiliation du mandat de courtage, a transmis cette information à la société C., qui ne conteste pas avoir perçu sa commission jusqu’à l’échéances des polices concernées;
– la compagnie G. a été informée de la résiliation des polices d’assurance à échéance du 31 décembre 2018 et que donc la société C. a bénéficié d’un préavis effectif de trois mois.
Si la Cour d’appel rappelle que la relation commerciale entre les deux sociétés était particulièrement ancienne et que le société S. et le groupe auquel elle appartient était un important client de la société C. lui générant plus de 65 % du chiffre d’affaires sur les années 2016 et 2017, elle précise également que les commissions ont été encaissées pour les doubles missions de gestion et de courtage.
En conséquence en septembre 2018, la société C. n’exerçant plus la mission de gestion des contrats d’assurance et seul le flux d’affaires générant des commissions de la part de la compagnie G. pour la mission de courtage devait être analysé sur la durée de la relation, or selon la Cour d’appel la société C. n’a communiqué aucune information précise à ce sujet (aucun relevé de commissions avec l’assureur G. n’est produit, ni d’information sur la part du chiffre d’affaires que représentaient les commissions générées par la seule mission de courtage sur le chiffre d’affaires global de la société C.).
La Cour d’appel a donc :
– jugé que le délai de préavis dont a bénéficié la société C. était adapté à la relation commerciale des parties et qu’aucune rupture brutale de la relation commerciale ne peut être imputée à la société S.;
– infirmé le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris;
– débouté la société C. de sa demande de dommages-intérêts fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie.
(iii) La Cour de cassation , dans son arrêt du 31 janvier 2024, a rejeté le pourvoi de la société C.
Le conseil : Courtiers, pensez à rédiger un mandat de courtage en stipulant les conditions de sa résiliation et la durée du préavis.
Caroline Deschaseaux – Cabinet Atlantica Conseil
Avocate au Barreau de Bordeaux
Droit des assurances – Distribution en assurance