Assurance | Distribution en assurance

Droit des assurances – Distribution d’assurance : L’intermédiaire en assurance, ses partenaires indélicats et l’assuré de mauvaise foi

Les faits : Le 1er octobre 2017, la société L. a souscrit, pour son compte et celui de ses filiales, un contrat d’assurance pour sa flotte automobile par l’intermédiaire d’un agent général d’assurance, auprès d’une compagnie d’assurance française et souscrit pour le compte de sa filiale espagnole un contrat d’assurance pour sa flotte automobile par l’intermédiaire d’un cabinet d’agent général d’assurance espagnol, auprès de la filiale espagnole de la compagnie d’assurance française.
Les appels de prime des deux contrats étaient émis par l’agent général d’assurance qui les reversait ensuite à la compagnie d’assurance française et l’agent général local.
Le 28 juin 2018, le Directeur Général de la société L. adresse, sur papier à en-tête de la société une lettre directement à la compagnie d’assurance française afin de solliciter la résiliation à titre conservatoire du contrat d’assurance souscrit et il adresse également, sur papier à en-tête de la filiale espagnole une lettre directement à l’agent général espagnol afin de solliciter la résiliation à titre conservatoire des contrats d’assurance souscrits.
Parallèlement, l’agent général adresse à la société L. les appels de primes et quittances relatives aux échéances du 3ème trimestre (du 1er juillet au 1er octobre 2018) des contrats flotte automobile France et flotte automobile espagnole.
L’agent général adresse également l’appel de cotisation relatif au 4ème trimestre du contrat flotte automobile espagnole.
La veille du 1er octobre 2018, le Directeur général indique à l’agent général mettre fin à son mandat.
Le 1er octobre 2018, les contrats d’assurance souscrit auprès de la Compagnie d’assurance sont résiliés.
Le 2 octobre 2018, l’intermédiaire d’assurance français reverse à l’agent général espagnol les sommes reçues et correspondant à l’échéance de prime du 4ème trimestre.
Contrairement aux contrats d’assurance souscrits auprès de la Compagnie d’assurance française, le contrat relatif à la flotte espagnole avait une échéance à la fin du 4ème trimestre.
Finalement la société L. a prétendu ne pas avoir eu connaissance d’un contrat d’assurance souscrit auprès d’une compagnie d’assurance espagnole, soutenant n’avoir souscrit qu’un contrat auprès d’une compagnie d’assurance française et assigna le seul agent général français en remboursement des sommes versées au titre du 4e trimestre du contrat de la flotte automobile espagnole.
L’agent général qui n’avait plus les sommes en sa possession et face à l’inertie de ses partenaires espagnols n’a eu d’autre choix que de les assigner en intervention forcée afin de solliciter leur garantie en cas de condamnation.

Les décisions : Par jugement en date du 3 juillet 2023, le Tribunal de commerce de Bordeaux a débouté l’agent général de sa demande de jonction des deux affaires, s’est dit incompétent pour connaître de l’affaire opposant l’agent aux sociétés de droit espagnol et l’a condamné à payer à la société L. les sommes qu’il avait reçues au titre du 4e trimestre du contrat de la flotte automobile espagnole.
L’agent général a interjeté appel.
(i) Au visa des articles 7 et 8 du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012, l’agent général a reproché au Tribunal de commerce de Bordeaux d’avoir accueilli l’exception d’incompétence qui était opposée à son appel en garantie par les entités espagnoles.
L’agent rappelait que ces sociétés ont été assignées en intervention forcée devant le Tribunal de commerce dans le cadre d’un litige déjà pendant et initié par la société L.
L’agent général soutenait que c’est au regard de la demande initiale présentée par la société L. que le Tribunal de commerce devait juger de la demande en garantie qu’il avait diligentée puisqu’il s’agissait de deux demandes en paiement ayant le même objet, qui devaient être instruites ensemble.
L’agent général concluait qu’il n’existait donc pas deux instances distinctes, de sorte que le premier juge n’avait pas à examiner l’existence d’un lien entre les deux affaires puisqu’elles relevaient d’une seule et même instance.
Les sociétés espagnoles répondaient en rappelant les dispositions de l’article 11 du Règlement en vertu desquelles l’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait et indiquaient que l’action a été intentée par l’intermédiaire en assurance qui n’est ni le preneur d’assurance, ni l’assuré, ni un bénéficiaire mais qui agit en qualité d’intermédiaire d’assurance ; qu’elles ne sont pas co-assureurs ; que l’assurée ne présente aucune demande à leur encontre ; que, enfin, leur siège social est situé en Espagne. Elles en concluaient que les juridictions françaises n’ont pas compétence à examiner les demandes de l’appelante à leur encontre, aucun des trois critères de l’article 11 du Règlement n’étant applicable.
Par arrêt du 11 septembre 2024, la 4e Chambre civile de la Cour d’appel de Bordeaux a donné raison au l’agent général d’assurance et a jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour juger d’une demande en intervention faite par un agent général français à l’encontre d’une compagnie de droit espagnol ainsi que de l’agent général local.
La Cour a rappelé que le procès a été engagé devant le Tribunal de commerce de Bordeaux par la société L. contre l’intermédiaire d’assurance français aux fins de restitution de sommes, estimées indûment perçues. L’intervention des deux sociétés situées en Espagne est une intervention forcée résultant de l’appel en garantie formé par l’agent général, défendeur initiale.
Il s’agit donc d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention devant la juridiction saisie de la demande originaire au sens de l’article 8 du Règlement du 12 décembre 2012.
Le Tribunal de commerce de Bordeaux était dès lors compétent pour en connaître.
(ii) Par ailleurs, la Cour d’appel a infirmé le jugement en ce qu’il a condamné l’agent général à payer à la société L. les sommes versées au titre de la prime du 4ème trimestre et a jugé qu’il n’existait pas d’indu et que l’intermédiaire d’assurance n’était débiteur d’aucune obligation contractuelle au titre du contrat espagnol conclu entre la filiale de la société L. et la compagnie d’assurance de droit espagnol.
La Cour ayant notamment relevé que les conditions particulières des polices espagnoles, souscrites à des dates différentes, mentionnent toutes une date d’échéance au 1er janvier de chaque année.

Le conseil : Il est important de formaliser par des conventions écrites ses relations avec ses fournisseurs, ses apporteurs d’affaires et ses clients. Ce formalisme permet de délimiter le périmètre de l’intervention et de le rendre opposable.

Cour d’Appel de Bordeaux 4ème chambre civile – 11 septembre 2024

Caroline Deschaseaux – Cabinet Atlantica conseil

Avocate au Barreau de Bordeaux- Avocate Gironde – Avocate Nouvelle – Aquitaine

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